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Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/184

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Dès que les rangs étaient rompus, tous, au petit bonheur, prenaient place derrière les chefs qui se lançaient à tour de rôle les premiers, attrapaient la piste et filaient le long de la pente, tantôt debout, tantôt pliés, tantôt accroupis, avec une rapidité de flèche.

De temps en temps, un des glisseurs perdait bien l’équilibre, culbutait et tous ceux qui suivaient prenaient la bûche derrière lui, roulant l’un sur l’autre parmi la neige fine qui vous glaçait les doigts et vous fichait l’onglée. Honnis ceux qui auraient pleuré ! On se secouait, on riait, et on recommençait.

Les deux Grangers se glissaient aussi, mais de crainte qu’on leur tombât dessus, ils ne partaient que les derniers.

Ce jour-là, au coup de sifflet du maître pour la rentrée, Lebrac qui, malgré les ordres, venait de se lancer une dernière fois au risque de la retenue sentit que ses sabots enrayaient malgré lui et pirouetta le nez le premier à mi-chemin.

Plus ému du motif de sa chute que de la bûche elle-même, avant de se mettre en rang, il remonta un peu pour voir ce qu’il y avait.

Il vit ! De gros clous, des sortes de grappes avaient rayé et entamé profondément la surface lisse de la glissade.

— Quel était le salaud qui, avec de telles chaussures aux pieds, avait osé glisser ?