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Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/216

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l’abreuvoir et vers l’étable leurs troupeaux repus.

À quelque cent mètres en avant, dans le même chemin, les trois vaches et les six bouvillons de sa petite camarade, la Tavie, qui, depuis une semaine, pâturaient dans la prairie voisine de son enclos, prenaient le pas accéléré, excités par les coups de fouet, et les injures vigoureuses : bougre de charogne, sale chameau, etc., de leur conductrice, que l’ombre grandissante, malgré sa hardiesse naturelle, tant soit peu effrayait sans qu’elle en voulût convenir.

Dans l’azur à peine noirci du couchant, l’étoile du berger brillait d’un feu paisible, sans un scintillement ; l’air était calme ; pas un frisson n’agitait les faîtes ajourés en dentelles sombres des haies vives sur lesquels on voyait zigzaguer comme l’éclair noir d’un vol silencieux de souris-volante ou virer en frou-frou soyeux et quasi muet le planement furtif d’une chouette.

Mimile, qui avait joué tout le jour avec sa petite voisine la Tavie dans la grande haie qui séparait leurs pâtures respectives, suivait d’un œil vigilant la marche de son troupeau. Le Frisé, un jouvenceau d’un an, capricieux et fantasque en diable, lui donnait surtout du fil à retordre, cherchant à profiter de tous les passages frayés dans l’une ou l’autre haie pour s’éclipser subitement. Aussi, tout en poussant à pleine gorge des mélodies de sa composition où les trala la la lère al-