Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/97

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« C’est comme « j’y ai dit » à Gibus, faisait le Gros du Marchal : T’es libre, n’est-ce pas, mais moi-z’aussi ; du moment que tu votes contre ma liste et que tu me tournes le dos, j’ai pas de raisons de t’aider, moi, et si tu me rembourses pas les cinq cents francs que je t’ai prêtés pour acheter ta vache, je te fous l’huissier dans les pattes. Je te dis pas ça pour te menacer, au contraire : mais tu comprends !

D’autre part Baptiste de la Grange avait averti loyalement son voisin :

— J’ai pas de conseils à te donner, mais si tu ne votes pas pour ma liste, tu peux te fouiller pour que je te prête le carcan pour rentrer tes foins et faire tes charrois. Du moment qu’un bon voisin ne vaut pas une voix, c’est plus la peine de se gêner.

Laugu et Abel, eux, n’avaient, heureusement, ni charrois à faire, ni vache à nourrir ; ils étaient garçons et libres et n’avaient que leurs bras… et leurs gosiers aussi, comme disait le Rat, même que le monde était bien content — le pays manquant de « jornaliers » — de les nourrir pendant la mauvaise saison pour les avoir au moment des moissons et des foins.

Pour l’heure ils se contentaient de vider consciencieusement les chopines que Rouges et Blancs leur offraient à tire-larigo, se bornant, lorsque le partenaire émettait un doute sur la sincérité