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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/194

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Le Caire

destes d’une adorable propreté, les portraits du tsar et de la tsarine de Russie, pour mon étonnement, en honneur sur les murs ; j’ai pu, dans d’autres milieux, me rendre compte de l’intelligence partout reconnue de cette race « la plus pure de l’Égypte ». Et surtout, puisque c’est la recherche de l’individualisme étranger qui m’a toujours souciée dans mes voyages, j’ai pu voir, qui peut-être a versé dans le modernisme comme tant d’autres coutumes irrémédiablement périmées, la célébration encore indemne de la messe copte, souvenir qui brille dans ma mémoire comme une icône byzantine.

Les hommes, dans la nef, étaient déjà vêtus tous à l’européenne. Je ne regardais pas de ce côté-là. Mais en haut, dans les tribunes entourées de moucharabys, cages musulmanes, je n’avais pas assez d’yeux pour contempler les femmes, parmi lesquelles je me trouvais forcément. Étincelantes de clinquants anciens, serrées dans des couleurs contrastées, leurs visages chrétiens voilés à l’exemple des harems, elles me donnaient l’illusion, introuvable ailleurs, de vivre sous le règne de Justinien et de Théodora.

Pour contrebalancer la soirée funèbre donnée par le vieillard qui pleurait son fils, nous tombons, un autre soir, sur une noce. C’est celle d’une fille de savetier. Elle a lieu dans le quartier le plus encombré du Caire indigène.

En Orient, la vanité règne partout en maître, serait-ce chez un humble marchand de babouches. Faire les choses simplement, c’est une formule qui n’a pas cours.

Pour que la cérémonie soit belle, le savetier a certainement donné toutes ses économies ; car, ce qu’il faut, c’est éblouir la parenté, les amis, le voisinage et même les simples passants.

Comme dans tous les mariages musulmans, cette noce comporte deux fêtes simultanées : celle du harem, à l’intérieur, celle du sélamleck dans le jardin. Mais il n’y a