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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/103

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LA FIN DE RABEVEL

femme en même temps que le sien propre. Je devinais en elle un petit félin prodigieusement intelligent, sensuel, intéressé et sournois ; excitatrice unique de toutes les activités matérielles et mentales d’un homme qu’elle exaltait par le sentiment de la plénitude réalisée à son contact ; assouvissant, par les raffinements les plus incroyables, les désirs de l’intelligence ou des sens que son intuition saisissait au fond de l’âme de cet admirable artiste avant qu’ils ne fussent formulés. Et avec cela, probablement, dans ce coin intérieur que les femmes ne livrent jamais, calculant, supputant, cherchant sa voie, réglant ses plans et sa conduite aux mieux de ses intérêts ; trompant sans doute son mari ; par lui, elle jouissait de la gloire, des succès artistiques, des voyages ; par d’autres, des toilettes, des bijoux, de la fortune.

Mais c’étaient là des hypothèses.

— Sans doute, dit Rabevel. En tout cas, l’évocation de ce touchant amour promené par un solitaire sur les mers les plus désertes de la planète est bien faite pour provoquer la rêverie.

— Il faut voir cet homme prodigieux, dit Reine, il faut le voir.

On consulta les journaux. Vassal donnait justement son dernier concert en matinée ce jour-là. Rabevel promit de venir mais il ne pourrait rester jusqu’à la fin ayant son courrier à signer.

François n’avait pas exagéré. Le violoniste était doué