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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/102

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LE MAL DES ARDENTS

C’est ma femme. Que fait-elle en ce moment, aux Antipodes ? Quelle folie de parcourir le monde alors qu’on a le bonheur chez soi ! Mais hélas ! il faut vivre. Ce voyage triomphal aux Indes et en Australie m’assure la renommée en France et, désormais, je l’espère, une sécurité sédentaire : seulement, il fallait d’abord aller chercher la consécration de l’étranger. Vous ne saurez jamais quel supplice est pour moi cet éloignement de ma femme !

— La voix de votre violon me le fait assez comprendre.

— Comment exprimer la passion dont je suis possédé ? Cette femme est mon cœur, mon cerveau, mes entrailles. Ma pensée ne la quitte pas. Elle est jeune, peut-être un peu volage, très adulée, et je tremble et je m’exalte et je vibre tout entier comme mon violon. Par elle seule, je pense et je vis. Sans elle je ne comprends pas la possibilité d’une existence. Je tremble d’amour, d’angoisse, de désir. Je l’adore ; il me semble que son sourire vaut tous les sacrifices, même celui de ma vie. En sa présence, réellement, je comprends les contes des poëtes et ce qu’est la folie.

— Pourquoi être parti seul ?

— Ah ! les circonstances, l’éducation de notre fille.

Longtemps et souvent Vassal me parla de sa femme. Il était manifestement ravi de pouvoir évoquer cette image qui lui était chère. Il était rongé de passion, de jalousie, d’inquiétude, et d’une sorte de perpétuelle douleur physique et morale. Ses confidences me révélaient le caractère de sa