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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/133

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LA FIN DE RABEVEL

hune en essayant de me figurer les solitudes des mers australes sur la houle sans fond. Je m’oubliais des heures jusqu’à ce qu’on m’appelât. Et je ne quittais jamais le navire qu’imprégné de sa forte salure.

— Votre père revenait-il souvent ?

— Tous les deux ans à peu près, je le revoyais, chargé de choses étranges prometteuses de songes. Il restait quelques jours parmi nous, me contant les légendes de la mer, entouré de notre respect. Il témoignait à ma mère une tendresse incessante et douce qui m’émouvait et gonflait mon cœur…

— Quelle peine devait vous faire son départ !

— Il me semblait qu’il emportait avec lui toute la vie véritable ; ses récits m’avaient fait croire que, seule, la mer ardente des tropiques recélait la raison valable de notre destin… Je restais accablé…

L’intonation d’Olivier fut telle qu’apparut soudain à Isabelle combien il se sentait seul. Elle lui prit le bras d’un mouvement si affectueusement spontané que le jeune homme sentit sourdre des larmes.

Ils rentrèrent sans prononcer d’autres paroles.

Une si belle soirée ne pouvait rester unique. Un hasard apparent favorisa les rencontres jusqu’au moment où l’intimité fut assez grande pour qu’elles devinssent organisées. Bernard s’en était avisé aussi bien que Marc. Ils ne craignaient en rien l’issue de l’aventure ; une désillusion peut-être de l’un des amoureux ou de tous deux ; mais