Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
LA FIN DE RABEVEL

inconscient, la peine qu’il réservait à une enfant sans expérience, son inéluctable départ pour cette vie d’aventures à laquelle sa vocation le destinait.

Olivier eut un soupir de regret et promit de ne plus revoir Isabelle. Comme tous deux retournaient sur leurs pas, elle apparut. Leur accueil embarrassé lui révéla tout.

— Je devine, s’écria-t-elle, je devine ! Mais vous ne croyez pas que je vais ainsi me soumettre à des décisions prises en dehors de moi ? Olivier ne m’aime pas, je le sens, il ne m’aime pas encore, mais moi je sais qu’il m’aimera un jour. Et même si cela n’était pas, qu’importe ! moi je l’aime ; et je n’ai pas l’intention de sacrifier mon bonheur. Peut-être n’avez-vous plus que quelques mois à rester, Olivier ? Donnez-les moi ?

C’est ainsi que Bernard réussit à faire connaître à son fils le sentiment de la dépendance ; cette emprise d’une femme sur lui attendrissait Olivier et l’irritait. Quoi ! être aimé sans aimer soi-même ; n’éprouver qu’un sentiment d’une sympathie très vive, mais se savoir incapable de ressentir à l’égard d’une femme autre chose qu’un désir purement charnel !

Olivier tenait de son passé proche cette habitude de ne voir en la femme que le moyen d’assouvir un désir passager. Il avait, au fond, hérité sous ce rapport, les instincts de son père : à peine s’il les avait affinés quelque peu, s’asservissant (et avec quel ennui intime) aux coutumes des civilisés auxquelles il était indispensable de se plier pour