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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/138

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LE MAL DES ARDENTS

obtenir de la femme la seule chose qu’il en désirât.

La fréquentation de l’être extrêmement subtil qu’était Isabelle agissait néanmoins sur lui à son insu ; évidemment, Isabelle ne pouvait songer à faire d’Olivier le platonique amoureux qu’elle rêvait sans doute. Il se montrait un excellent camarade fort développé et très raffiné pour tout ce qui ne touche pas à l’amour, mais, à ce dernier point de vue, il lui restait à parcourir une étape ; Olivier n’était pas et ne paraissait pas capable d’être jamais attiré par une femme, autrement que par les sens ; et l’hypocrisie qu’entraîne inéluctablement la satisfaction de tels instincts dans la société contemporaine, lui était un sujet de dégoût.

Bernard s’en rendit vite compte ; Olivier s’en irait malgré Isabelle. De toute évidence les contraintes de la civilisation l’exaspéraient. « Que fais-je en France ? » se demandait le jeune homme. C’était vrai, il s’était grandi, il avait accru sa capacité de sentir et de vivre ; mais il n’avait pas l’aliment digne de ce désir. Partout où il passait, il savait bien qu’on buvait ses paroles, qu’il éveillait la nostalgie des libres espaces et des instincts sans frein, mais il n’avait pas encore assisté à un essor. Qu’avaient donc ces civilisés dans les veines ? Quoi ! de ses camarades enflammés par sa parole et son exemple, quelques-uns à peine que le vent brûlant des mers sans bornes ait pu hérisser ! et dans cette vie quotidienne, rien qui exaltât les autres ? Les étudiants de son âge qui avaient une maîtresse étaient déjà semblables à des vieux ménages sans désirs et sans regrets.