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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/144

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LE MAL DES ARDENTS

toute une scène haletante et équivoque entre Juliette et Dame Capulet dont j’ai toujours été remué plus que du reste…

— Vous êtes ainsi ? demanda Isabelle en frémissant légèrement.

— Hélas ! répondit Olivier. Mais vous qui avez si souvent relu ce livre, Mademoiselle ?

— Tout m’y paraît pathétique ainsi qu’à vous. Mais je n’en connais pas par cœur des passages entiers ! Je n’ai pas de mémoire. » Elle sourit avec une incomparable finesse. « Tout au plus, dit-elle, pourrais-je en répéter une phrase…

Mais Mare qui l’observait depuis son arrivée et déjà pressentait la nouvelle ardeur de ce jeune cœur : Vous l’avez retenue, dit-il. Je la devine. Je sais quelle elle est. Je vais vous la lire. »

Il cherchait, en feuilletant le livre ; il savait ce qu’il cherchait. Isabelle feignait de ne plus sourire.

— La voici, dit-il : « Ah ! que je meure sur l’heure si cet homme ne doit point devenir mon époux :

Alors comme dans un cri :

— « Pas plus celle-ci, fit-elle, qu’une autre, voyons ! »

Mais lui :

— Elle est soulignée. (Il feuilleta de nouveau rapidement le livre.) C’est, d’ailleurs, la seule qui le soit.

Le silence se cristallisait autour de cette phrase shakespearienne si terriblement passionnée. Isabelle un peu haletante avait l’air bouleversée. Lui avait-on pris son secret ?