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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/156

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LE MAL DES ARDENTS

doute, malgré son goût très sûr, aurait-il même accumulé à l’excès bibelots et objets d’art si sa femme n’y avait veillé. Reine avait toujours réussi en effet à maintenir dans le ménage la simplicité et la distinction que des siècles de raffinement et de politesse donnent aux familles de la bourgeoisie française. Elle continuait à aimer tendrement ce mari audacieux auprès de qui elle n’était qu’une ombre. Rude et jovial, Rabevel se laissait chérir ; il témoignait toujours à sa femme une affection presque paternelle, l’estimait, ne lui refusait rien mais chaque jour plus nerveux depuis son échec auprès d’Angèle et sa réussite auprès de Balbine, plus compliqué, l’esprit plus tendu, il recherchait avec plus de maladif désir la compagnie de la gourgandine.

C’était ainsi que Balbine Vassal était à présent son inséparable maîtresse. Devenue peu à peu l’amie de sa femme, elle avait silencieusement étudié les goûts de cet homme que les excès de toute sorte vouaient à la neurasthénie et à l’érotisme. La conquête totale s’était révélée difficile ; elle avait dû agir avec une extraordinaire prudence. Il ne fallait point s’offrir car Rabevel était fin ; il ne fallait point feindre la pudeur ni la simplicité puisque l’homme recherchait au contraire le stupre ; il ne fallait pas surtout qu’il pût, une minute, supposer que cette petite Balbine désirait avant tout satisfaire ses goûts de luxe et son orgueil : devenir Madame Rabevel. Quant à sa propre perversité, comme il ne manquait pour l’assouvir ni mâles ni moyens,