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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/176

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LE MAL DES ARDENTS

a-t-il obéi, sinon à je ne sais quelle luxure et quelle chose peut excuser la luxure de se produire si crapuleusement à l’endroit où elle pouvait être le plus aisément découverte et causer le plus de malheurs.

— Il me semble comprendre, dit timidement Isabelle, que Rabevel obéissait peut-être à autre chose qu’à ce que vous dites.

— Et à quoi, s’il vous plaît ? interrogea Noë.

— À l’amour…

Noë réfléchit un moment, puis :

— Je n’ai point connu cet amour-là. J’en vois chaque jour des exemples dans les cours d’assises ; mais j’avoue ne pas le comprendre. Vous le comprenez, Mademoiselle ?

— Pas assez, dit-elle, pour le ressentir. Assez pour défendre Rabevel. Vous-même reconnaissez que ce sentiment jaloux, cruel, compliqué, cet aspect de ce que vous appelez le mal des ardents, est plus fréquent aujourd’hui que jamais.

— Ah ! oui, hélas ! s’exclama Noë. Mon Dieu ! qu’on nous débarrasse donc une fois pour toutes, des ardents et des inquiets, des mystiques, des exaltés, des névrosés, qu’on envoie au diable tous ces apprentis détraqués qui corrompent notre société civilisée. Qu’on me fiche tous les adolescents rêveurs à lire du Voltaire ou du Molière ou du Rabelais, qu’on leur fasse faire des mathématiques et de l’histoire et qu’on occupe leurs loisirs au football ou à la natation ; et qu’ils ne tirent des murmures de la forêt