Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
LA FIN DE RABEVEL

la prolongation de la rencontre ; les intimités conséquentes, les exaltations concomitantes, tous les échanges frénétiques et incontrôlés qui en furent le résultat, eurent leur déterminisme cristallisé en un instant.

— Sans doute, dit Noë. Mais de ces échanges, en somme, aucun ne se fut produit, si la promiscuité n’éveillait en l’homme une âme ignorée qui n’est plus tout à fait la sienne. Le Bernard qui vient de tuer sa femme sans le vouloir a été, sans le savoir, façonné en partie par Balbine. Car l’homme se préoccupant toujours, même à son insu, de paraître ou, peut-être, plus noblement, de communiquer, cherche la zone de contact. Cette zone jusque là inculte chez certains, ou, chez d’autres, productrice de fruits connus, devient subitement l’objet d’une culture intensive qui donne des récoltes monstrueuses.

— Belles paroles explicatives, dit Isabelle d’un ton douloureux. Mais dans cette tourmente où sont mêlés tant d’êtres et qui se termine d’une manière si tragique qui donc peut se dire certain d’avoir pour lui la raison ?

— Celui qui ne tue point, répondit Noë.

Marc tressaillit. Il eut pour son père un regard de reproche.

— N’accablez pas Bernard, il doit être si malheureux !

— Mais, fit Noë, si cette jeune femme était vouée par son exaltation à ce sort terrible, il n’en demeure pas moins qu’elle ne fût pas morte si son mari n’avait pas commis cette trahison que rien ne justifiait. Car, à quel sentiment