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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/201

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LA FIN DE RABEVEL

— Ça doit être Vassal.

C’était bien lui. Il apparut en uniforme de légionnaire, les bras chevronnés, toujours droit et ferme ; mais la tête était devenue toute blanche ; les traits obéissaient à des tics fréquents, le beau visage d’autrefois était ravagé, ridé, méconnaissable pour qui n’avait pas aimé le grand artiste. Il embrassa Olivier.

— Vous voilà blessé aussi ? demanda-t-il. Est-ce grave ?

— C’est en bonne voie de guérison.

— Ah ! reprit-il, les chirurgiens et les médecins ont fait du progrès. J’ai eu dix blessures dangereuses et je suis encore debout. Et, pourtant, Dieu sait comme je préférerais être mort !

— Oh ! pourquoi ? dit Olivier.

— Et penser, continua Vassal sans répondre, que je n’ai pu me faire tuer ; ni me tuer. Ah ! je vous jure que ce n’est pas le courage qui me manque ; plus d’une fois je me suis senti si tenté, si près de me faire sauter la cervelle : la haine, une haine folie, la crainte de laisser impunie la forfaiture de ces deux salauds m’en empêchait ! Elle m’en empêche encore ! Être tué dans une attaque ou dans un trou, tout d’un coup, et fini, bon ! Mais disparaître de sa propre volonté, laisser de bon cœur après soi deux crapules qui pousseront un ouf de soulagement ; ah ! non, je ne peux pas !

— Voyons, Vassal, dit Marc, oubliez cette aventure ; votre femme était indigne de vous comprendre, n’y songez