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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/223

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LA FIN DE RABEVEL

— Elle vous a donné rendez-vous sans doute et elle est en retard ? Oh ! vous savez, vous inquiétez pas, puisqu’elle vient tous les jours, même quand vous êtes pas là. Seulement les autres jours c’est pour tailler une bavette avec le père Budel et lézarder un peu sur le banc.

Il en prit son parti. Le gardien le quittait pour un instant et il resta là, stupide sur son banc. L’image de sa mère lui revenait avec celle d’Isabelle et son cœur se serrait. Sa mère était bien la seule femme qui l’eût aimé puisque encore à son souvenir il souffrait cruellement ! Ah ! pourquoi était-elle morte ! Pourtant n’abandonnait-il pas ainsi lui-même Isabelle ? Comme elle avait dû le maudire, elle qui ne lui avait rien fait ! Libre, aisé maintenant, il laissait cette jeune fille dont il avait été adoré, et cela pour aller en toute sécurité vers il ne savait quelle aventure.

Il méditait avec un sourire amer.

Oui, décidément, il avait méconnu l’amour. Marc avait raison : un homme ne sait pas aimer à cet âge et maintenant il le comprenait par ses larmes, hélas ! car pouvait-il aimer désormais ?

Un pas traînant lui annonça le père Budel.

— Elle vient de traverser la grande galerie. J’ai fait semblant de ne pas la voir pour venir tout de suite vous prévenir de pas perdre patience. Tenez, la v’la…

Isabelle apparut en effet à l’instant et contre la porte les mains au cœur, la tête un peu penchée, toute pâle, s’arrêta en l’apercevant.