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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/229

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LA FIN DE RABEVEL

quer avec Marc et le couple Rabevel. Ne laissait-il pas le véritable bonheur derrière lui sous les traits de cette délicieuse Isabelle ? Il se méprisa un peu. « Que suis-je ? pensait-il. L’autre soir, dès que Balbine apparut prête à être ma chose, mon désir s’est reporté tout de suite à mes compagnes de Raïatéa. Auprès d’Isabelle, je ne pensais plus, dans la cour au Petit Palais, qu’à Balbine. Et maintenant que celle-ci va n’être séparée de moi que par les planches de quelques cabines, c’est à Isabelle que revient ma pensée. Que de faiblesse ! Ce séjour en Europe m’aura-t-il été inutile où même néfaste ? »

Il s’étonnait que la guerre n’eût pas accru l’expérience des hommes ; il se sentait plus misérable, plus près de la terre qu’auparavant, par un affaiblissement du corps que n’avait pas accompagné l’enrichissement moral de la méditation ou de l’oraison ; son désarroi l’effrayait. Il redoutait le périlleux désir qui l’attirait vers Balbine ; il redoutait l’insensible ascension d’Isabelle dans son cœur. Il s’effrayait des lames de fond qui faisaient vaciller son sens moral et sa raison quand le trouble ardeur d’autrefois lui revenait sous le souffle de Rabevel. Ah ! que l’homme était peu de chose !

Bernard s’inclinait sur ce désarroi. Lui-même ne savait plus comment il vivait. Sa destinée lui paraissait manquée, peu à peu dissoute et il s’abandonnait à l’ardeur stérile. Il allait perdre son fils ? Soit. Que resterait-il dans sa vie ? Le temps à autre il pensait à sa jeunesse… Que d’épaves…