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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/81

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LA FIN DE RABEVEL

— Je n’ai pas besoin d’exprimer, fit le moine d’une voix basse, toute la tristesse que me cause ta conduite. Tu es conscient du mal que tu fais. Ne crains-tu pas de lasser un jour la patience de Dieu ?

Rabevel ne répondit pas. Le calme, l’accent douloureux de son ami d’enfance le troublaient.

— Comment peux-tu donc, reprit-celui-ci, persister dans ton péché ? Tu trahis ton camarade le meilleur et le plus cher. Tu fais échouer les efforts d’une malheureuse qui ne t’a pas appelé. Tu trahis ta femme. Tu sèmes le scandale et le désordre. Tu manques à la parole que tu m’avais donnée, tu compromets ton salut éternel. Que tu me fais de peine, Bernard !

Il le vit ébranlé. Il continua.

— Est-il donc possible que tu aies oublié ton enfance, ta jeunesse si proche de Dieu, les enseignements de notre pauvre Père Régard ? Dis, ne sens-tu donc pas la déficience de l’être humain ?

Bernard soupira.

— Ne sens-tu pas, poursuivait Abraham, comme nous sommes peu de chose ? Tu as voulu la richesse, tu l’as. Tu as voulu la puissance, tu l’as. Partout la vie te sourit. Il suffit que tu souhaites quelque chose pour que tu possèdes cette chose. Et que tu la possèdes de la façon qui t’agrée. C’est à dire en la conquérant toi-même, avec cette satisfaction pour ton orgueil qui est de constater que seul, toi, tu pouvais par ton astuce la conquérir au nez des