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LE MAL DES ARDENTS

drai demain à la Commanderie, ajouta-t-il avec un grand air de tristesse, pour te dire au revoir, peut-être adieu. Tu auras été la grande douleur de mon existence. Cette conscience persévérante dans le mal est effroyable.

— Rends-moi heureux, dit Rabevel.

Abraham hocha la tête avec accablement. Ils ne se comprendraient jamais. Ils se quittèrent, se tournèrent le dos, reprirent, chacun de son côté, le chemin du pays où on parlait leur langue.

Pour Bernard, la journée se passa rapidement ; quand le soir arriva, c’est à peine s’il avait achevé avec Mauléon, leurs co-contractants et le notaire, de tout mettre en règle. Ils n’avaient vu, de la journée, Angèle qu’une forte migraine retenait à la chambre. Le repas du soir fut triste sans elle. Les deux hommes très fatigués se taisaient. La Tante Rose les servait elle-même en silence. Le petit Olivier, qui n’était pas bavard, mangeait et rêvait ex même temps. Ils montèrent se coucher de bonne heure. « Je monte avec vous, Monsieur Rabevel, dit l’enfant. Maman veut que je couche dans sa chambre cette nuit parce qu’elle est un peu malade. »

Séparés et, pour combien de temps ? ils l’ignoraient, Angèle voulant que ce fut pour toujours, Bernard voulant que ce ne fut que pour quelques jours. Ils passèrent, chacun dans son lit, une affreuse nuit : Angèle, le cœur écartelé de ses remords, de la crainte de la rechute, du désespoir de n’être pas soutenue de Dieu, et, enfin de l’horrible approche de François dans sa couche ; à cette