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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/96

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LE MAL DES ARDENTS

je crois bien : « Si vous ne payez pas les deux trimestres en retard, on met votre fils dehors ». Il va au café ; il était tout seul avec le patron qui sort un moment après pour rattraper son cheval, une bête assez pétulante qui venait d’échapper par la cour. Le tiroir de l’argent était resté ouvert. Le pauvre homme affolé y va, prend son argent et l’envoie tout de suite au Lycée. Le lendemain les gendarmes sont venus. Ils avaient eu vite fait leur enquête, vous pensez bien. Ils lui ont dit :

— Écoutez, Boynet, nous ne voulons pas vous porter du tort. Nous comprenons bien les choses, allez. Un brave homme ne devient pas voleur comme ça, sans motif, et on devine assez. Seulement, nous autres, il faut faire ce qu’il faut faire. Alors, rendez-vous ce soir, à nuit tombée, à votre pré de Lardillon sur la route de Figeac. On vous mènera à la prison de Figeac sans menottes en ayant l’air de faire chemin ensemble. Votre femme dira que vous êtes parti en voyage.

— Vous êtes bien bons, a répondu le pauvre homme. Il s’est habillé du dimanche, a embrassé sa femme et est parti pour le pré de Lardillon. Quand les gendarmes y sont arrivés, ils l’ont trouvé pendu dans un pommier et tout froid. Ils ne le voyaient pas. C’est un garçon de ferme qui passait : « Si c’est Boynet que vous cherchez, leur a-t-il dit, regardez-le qui rigole dans son arbre en vous tirant la langue ! » On m’a prévenu tout de suite. J’ai trouvé ma pauvre belle-sœur à l’agonie et cette pauvre petite fille