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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/106

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LE MAL DES ARDENTS

Comment, avec l’éducation que tu as reçue et les sentiments qui restent au fond de toi certainement, tu aurais le courage d’enlever cette âme qui revient peu à peu à Dieu ?

— Ah ! je t’en prie, assez de prêche.

Mais Abraham ne se laissait pas ainsi imposer le silence. Avec une éloquence farouche qui frappa Bernard sans le convaincre, avec les accents d’une conviction illuminée, il lui dépeignit la laideur de ses actes, le suppliant de se racheter, de changer de conduite, de se souvenir qu’il était chrétien.

— Si tu n’es pas encore mûr pour le sacrifice, au moins, lui dit-il, n’entraîne pas dans ta perte une âme si belle et qui ne demande qu’à reprendre le droit chemin.

— Moi je veux vivre, dit Bernard, je veux vivre.

— Mais as-tu besoin d’elle ? Manque-t-il donc de filles perdues pour te servir d’amusement, que tu aies justement le désir d’enlever à ses devoirs un être noble et droit. Quoi ! tu l’as prise, tu l’abandonneras. Laisse-la donc maintenant, tu sais bien que tu ne désires que gagner de l’argent et jouir de tous les plaisirs.

— C’est possible. J’ai quelquefois ces idées, c’est vrai. J’ai cru tenir à un certain moment le moyen de faire fortune : tiens, encore tout à l’heure, quand je te demandais tes titres. Mais tout me claque dans la main. Alors, pour être un simple employé, j’aime autant vivre avec celle que j’aime et qui porte un enfant de moi.

— Oui, et combien de temps vivras-tu avec elle ? Tu