Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
LE FINANCIER RABEVEL

tôt détournés suivaient maintenant le jeu des acteurs.

— Elle est assez romaine, l’enfant, dit-il ; mais elle n’est plus jeune.

— Elle doit friser la quarantaine ; que veux-tu ? c’est l’âge des femmes à la mode ; mais pas une ride ; et un corps ! C’est une femme extraordinaire.

— Elle n’a pas l’air commode. (Il commençait à sentir déjà en lui le désir de la briser, de la voir pantelante à ses pieds).

— Il paraît qu’elle est assez impérieuse, oui ; on raconte des scènes homériques entre elle et Mulot ; elle trouve fort bien l’accent et les mots de la poissarde quand il le faut ; mais enfin l’allure est d’une princesse et, regarde-la, elle atteint vraiment à la grandeur par l’attitude et l’expression.

Ramon s’était un peu penché et la Farnésina l’ayant soudain reconnu lui fit, la première, un gracieux sourire.

— Quelle mémoire étonnante, dit-il, c’est ce don-là qui permet à ces femmes de réussir ; elles n’oublient rien et parlent à chacun comme si elles le connaissaient intimement ; ainsi se maintiennent-elles une cour de flatteurs et de dévots ; je ne l’ai vue que deux fois dans des circonstances comme celles de ce soir et à quelques mois d’intervalle ; la première fois elle a appris mon nom et mon histoire, la seconde fois elle m’a demandé des nouvelles de la Maria Doré avec qui j’avais à ce moment-là une intrigue (tu vois si elle était renseignée !) et ce soir, tu vois, elle m’a bien reconnu.