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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/125

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LE FINANCIER RABEVEL

« bientôt guérie, tout à fait forte grâce à cette transfusion qui doit t’avoir bien affaibli, mon amour… » Il fit un geste, mais elle : « Ne dis pas un mot, ne parle pas, ne prononce pas une phrase qui puisse m’arrêter ; j’ai une chose à te dire qui me fait peur ; il me faut beaucoup de courage… »

Il comprit tout de suite ; il ébaucha un geste de désespoir ; à ce moment juste où il sentait le prix de cette affection, il allait donc perdre le seul être qui lui eût donné à jamais et sans restriction son cœur ; et le perdre par sa faute ; « Je l’ai vendue, se disait-il avec désolation, je l’ai vendue à Abraham ! » Rien ne subsistait maintenant de l’espoir qui le soutenait au moment du troc ; qu’Angèle retournât à La Commanderie dans son petit bourg natal du Rouergue et la reverrait-il jamais ? Ah ! qu’allait-elle dire ! Il espéra un instant qu’elle ne parlerait pas : il espéra qu’elle allait dire autre chose que ce qu’il craignait ; vains subterfuges de son cœur à son cœur : « Tu comprends, faisait la pauvre voix prête à sombrer dans les larmes, nous nous sommes aimés comme des enfants. Il était bien évident que la vie devait nous séparer fatalement ; notre situation ne serait pas possible vis-à-vis du monde, de ma famille, de la tienne, de celle de François ; déjà, j’ai du mal à conserver une légende auprès des miens. » Elle s’arrêta exténuée, fit quelques sanglots déchirants : « Et puis, reprit-elle, nous avons péché si gravement ; j’ai été folle, mon Dieu, c’est ma faute, je t’ai entraîné. Toute ma vie