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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/168

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LE MAL DES ARDENTS

sentir et d’assimiler le maximum, c’est ce que j’appellerai le Mal des Ardents. Il a pris chez vous la figure de l’intelligence pure, Chez François la figure de l’action, chez Angèle la seule figure qu’il pût prendre chez une femme, la figure de l’amour ; et chez Bernard, il est multiple ; la tête, le cœur, les sens, tout y est bouillant et orienté constamment par l’ambition de se tendre à l’extrême de ses limites… »

Bernard était entré sur ces entrefaites ; la vue du Père l’avait bouleversé ; la terrible empreinte subsistante encore, la surprise, l’émoi… il s’était jeté à ses pieds en murmurant comme autrefois et sans savoir ce qu’il disait : « Mon Père, pardonnez-moi parce que j’ai péché ». Le Père l’avait relevé aussitôt en secouant la tête : « Nous n’en sommes pas là, mon fils ; plus tard, plus tard… » Et tous deux simultanément avaient songé à la première visite du petit Rabevel dans la chambre du Jésuite quand, agenouillé sur le prie-Dieu, il s’était entendu dire de même : « Plus tard. Plus tard… » Inutilité, vanité du joug sur de telles âmes… Pathétique retour d’un naturel sauvage. Mais le Père s’était repris tout de suite. Il avait entrepris une conversation enjouée pour donner à Bernard le temps de se remettre. Puis, quand il l’avait vu en possession de lui-même, il l’avait attaqué aimablement et en riant : « Je parlais de vous à Abraham, lui avait-il dit, au moment où vous êtes entré. Savez-vous, lui disais-je, que Beruard est un être extraordinaire, le plus magnifique et le plus complet