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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/170

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LE MAL DES ARDENTS

Vous avez déjà trompé tout le monde : vos éducateurs, vos parents, vos amis et, sans doute, vos ennemis si vous en avez. (Si vous n’en avez point cela ne tardera guère). Sûrement vous réussirez dans vos entreprises. Mais cette réussite même vous sera contraire, car votre exaltation pour se contenter, ne pouvant plus se satisfaire dans le normal, succombera à toutes les tentations. J’ai peur pour vous des vices, des passions. » Bernard savourait d’avance sa répartie : « Et si je me mariais ?… » Le Père répondit sans réfléchir et comme dans un cri : « Ah ! la malheureuse ! Aussitôt il voulut se reprendre. Mais il comprit que c’était inutile, il n’insista pas. Bernard demanda : « Que faire ? » — « Ah ! mon Dieu, oui, que faire ? Écoutez, Bernard, conservez et révérez dans votre cœur le plus longtemps que vous pourrez cet amour même coupable que vous avez pour Angèle, en le purifiant. Dieu n’interdit point d’aimer idéalement mais il interdit de convoiter la femme du prochain. Que le souvenir de cet amour s’estompe et pâlisse peu à peu en vous, mais vous garde de toute aventure comme une grande personne morale, une belle chose vivante qui conserve la place du dieu momentanément voilé, et, par le repentir, prépare ses voies et son retour. Et n’oubliez point de prier. Priez sans croire, Bernard, mais priez… — « Et mon fils ? » — « Sa mère et son père l’élèveront. Son père, Bernard, qui n’est pas vous, ne l’oubliez point. Qui sort de la justice n’y rentre pas aisément. Rien ne vous interdit de l’aimer et il n’est pour vous