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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/171

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LE FINANCIER RABEVEL

qu’une seule manière de le faire, c’est que votre vie puisse lui être un bel exemple… » Il se leva. Les jeunes gens le raccompagnèrent à la porte. Sur le palier il se retourna vers Bernard : « Même sans croire, priez, priez… Craignez l’impénitence finale ».

Quand il fut parti : « Brrr !  dit Bernard, il n’est pas ravigotant, le paroissien ! »  Il demanda : « Angèle n’est donc pas là ? »

— Elle va revenir bientôt. Je trouve même que, pour le troisième jour qu’elle se lève, elle se montre un peu imprudente en restant si longtemps dehors.

Mais Angèle rentra presque aussitôt. Elle embrassa Bernard comme d’habitude sans gêne ni confusion. Les femmes entrent très facilement dans certains personnages que leur imposent les événements. Cette attitude de transition que tolérait le Père et qui lui permettait les ultimes caresses à l’homme qu’elle chérissait lui était douce. Elle savait qu’elle allait le quitter irrévocablement, elle pressentait qu’il ne l’entreprendrait pas aux dernières minutes, elle se sentait heureuse des bribes du dernier bonheur d’amour qu’elle dût jamais savourer, elle en comptait les instants. Après avoir embrassé Bernard, elle ôta son chapeau et son manteau et le regarda, muette, les yeux clairs, presque rieuse. Elle se souvint tout à coup qu’elle avait à lui dire quelque chose, le prit aux épaules, attira ses lèvres, les baisa longuement et lui souffla tout doucement en rougissant un peu : « Il a remué la nuit dernière, tu sais ». Elle le