Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LE FINANCIER RABEVEL

« Messieurs Mulot et Blinkine nous annoncent que la Cie Bordes vient d’acquérir deux unités toutes neuves du type Cargo-Rapide lancé par les Chantiers de l’Atlantique. Nous ne contestons pas que ce type de bateau ne soit actuellement le meilleur à flot ni que cette acquisition ne mette la Cie Bordes dans une situation privilégiée vis-à-vis de ses concurrents. Nos correspondants ajoutent qu’à la suite d’une combinaison heureuse cet achat ne coûtera pas un sou à la Cie qu’ils dirigent ; nous voulons les croire et les féliciter. Ils déclarent également que, en réponse à nos insinuations malveillantes, ils veulent bien nous informer du fait que le Département du Puy-de-Dôme est depuis longtemps couvert des trois cent mille francs qui lui sont dûs. Tout serait donc pour le mieux. Mais l’Œil ne partage pas cet optimisme ; il prétend que l’examen du dernier bilan l’a édifié et que, plus que jamais, il estime néfaste le mode de direction de la Cie Bordes ; il ne voit pas encore comment se manifestera le vice de l’institution mais il persiste à croire que tout cela finira par une catastrophe. Il est prêt à faire amende honorable si le bilan de l’an prochain lui donne tort. »

Cependant Bernard se frottait les mains. Tout allait comme il l’avait voulu ; ses deux ennemis engagés jusqu’au cou dans l’aventure, les actions au plus bas cours possible, tous les fils noués dans sa main. Il écrivit le jour même deux lettres. Dans la première il annonçait à Abraham qu’il levait son option et ainsi devenait acquéreur de ses quatre-vingts actions au prix de 150 frs l’une, cours du jour,