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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/32

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LE MAL DES ARDENTS

pas le voir paraître à quatre heures et demie, puis sa colère, son impuissance, ce dîner solitaire sous l’œil qui lui avait paru ironique du maître d’hôtel ; et enfin la nuit exaspérée où elle n’avait pas dormi cinq minutes, décidée à repartir le matin pour Paris, enragée d’avoir cédé à ce sacripant, outrée de sa propre naïveté.

Mais lui :

— Tu seras toute à moi et nous ne nous quitterons plus.

Il paraissait sincère. Et puis elle sentait bien que ce caractère rude, ce fonds de pirate lui plaisait par ce qu’il révélait de ressources inconnues. Même s’il mentait dans ses explications, elle savait bien qu’elle était et serait toujours le seul être qu’il pût aimer. Qu’il aimât à sa façon, certes ; mais cette façon sauvage n’était-elle pas préférable aux mornes aventures qu’elle devinait et dont son peu d’expérience conjugale avait suffi à la dégoûter pour toujours. Ce pauvre François si bon, si gentil, comme il avait été maladroit… Comme elle en avait pris le contact en horreur et avec celui-là, désormais, celui de tous les hommes — sauf de cette canaille bien-aimée. Oui, c’est bien cela l’amour, se dit-elle.

Ils se quittèrent vers dix heures, réconciliés. Quand elle sut pourtant qu’il ne déjeunerait peut-être pas avec elle, ce faillit être une nouvelle explosion ; enfin elle se résigna et il put se rendre auprès de Mazelier qu’il trouva dans son bureau, frais comme une rose.

— Mon oncle, que j’ai vu tout à l’heure, désirerait vous