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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/33

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LE FINANCIER RABEVEL

connaître ; vos idées l’ont épaté ; il vous attend pour déjeuner.

— Eh bien ! mais… j’accepte avec grand plaisir.

Mr. Bordes habitait tout près du boulevard de Caudéran, presqu’au bout de la rue Croix de Seguey, une belle maison du dix-huitième ouverte sur des serres fleuries par un péristyle en marbre blanc. C’était un petit homme grisonnant, à tête ronde, Joyeux, perpétuellement de bonne humeur ; il portait en avant un petit abdomen de bouvreuil et ne cessait de plaisanter.

— Vous tombez, dit-il, à ses invités, en pleine querelle de ménage. Ma femme, qui est charmante, (regardez là, elle est encore agréable à considérer, n’est-ce pas ?) vient de revoir la somnambule et d’apprendre que je la trompe avec la dugazon du Grand Théâtre. D’où une scène terrible destinée à me couper l’appétit Mais ce petit estomac demeure impavide. Le bourreau qui tranchera l’appétit à Bordes l’armateur n’est pas encore né.

— Ah ! Monsieur Rabevel, dit la femme qui était en effet restée agréable bien qu’une expression chagrine donnât à son visage dix ans de plus que ne portait son mari, quel homme terrible j’ai là ! C’est un brave homme, bien sûr, mais quel coureur ! Il passe sa vie avec des gourgandines ; je ne puis dire combien de fois je l’ai pris en flagrant délit : ça ne le trouble pas…

— Eh ! ma foi, au contraire, dit Bordes, c’est un piment de plus.