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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/70

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LE MAL DES ARDENTS

grand désert dans l’espace où d’habitude, elle se mouvait. Le murmure qui, entre la maîtresse et le domestique, devait, dans l’antichambre, clore à cette heure sa vie sentimentale, ne lui parvenait même pas.

Soudain la porte s’ouvrit avec une magnifique violence Angèle s’était précipitée et tandis que le valet balbutiait des explications avant de disparaître de nouveau, elle accourait à Bernard, saisissait son visage et l’embrassait à pleine lèvres avec des mots d’enfant.

Le chapeau, le manteau avaient volé à travers le bureau sur un fauteuil. Elle s’était assise sur les genoux de son amant et, prenant la tête de celui-ci dans ses mains, lui plongeait son regard dans les yeux :

— Cet homme m’a dit que tu étais malade. Est-ce vrai ?

Il se taisait. Il ne pensait pas. De toutes ses forces, l’âme tendue, il sentait.

— C’est vraisemblable, dit Angèle. Tu ne m’aurais pas fait attendre pour me renvoyer ensuite sans m’avoir vue. Alors, me dire que tu étais là, tout près, fatigué, désespéré peut-être, et par ma faute !… je suis entrée.

Elle l’embrassa encore, mais cette fois sans impétuosité avec la même tendresse, le même abandon qu’autrefois.

— Tu es pâli, comme tu es pâli… Et moi, comment me trouves-tu ?

Elle était plus belle encore. Son visage florentin et lumineux, si passionné, s’inscrivait en nouveaux traits