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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/71

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LE FINANCIER RABEVEL

plus brûlants dans le cœur vide de Bernard. Son regard le tâtait, le reconnaissait, prenait contact avec la chair retrouvée ; il l’étrégnit passionnément. Mais elle :

— Sais-tu que je viens de la rue des Rosiers et que j’ai su seulement là-bas ta nouvelle adresse ? Ce matin je suis arrivée au moment où tu venais de sortir ; le concierge me donne l’adresse d’Abraham Blinkine chez qui tu devais te rendre paraît-il. J’y vais : pas d’Abraham, ni de Bernard. Enfin, je t’ai trouvé : c’est l’essentiel.

Et, la voix triste, tout à coup :

— Quinze jours sans te voir, comme j’ai langui de toi !

Elle ajouta timidement : François est reparti hier…

Il faillit crier. Le mari ! cet homme auquel il ne songeait plus ! Le charme se desséchait. Il ne restait plus soudain en lui que l’amour empoisonné dont il était victime pour une femme qui appartenait à un autre et n’avait pas su se garder. La rage, le dégoût, l’écœurement le soulevaient. Mais Angèle n’y prenait pas garde.

— Il a été vraiment très gentil ; il ne s’est douté de rien. Pauvre François !

Il ne savait s’expliquer, prononcer la question qui le brûlait. Il sut à peine dire : Et… ?

Elle baissa la tête.

— Mais enfin, s’écria-t-il, en la secouant avec violence, qu’allais-tu faire auprès de lui ? Tu m’as abandonné, moi qui t’aime, tu m’as fait endurer les pires souffrances (Dieu sait la peine que j’ai eue !) et, ce pendant, tu vivais sadique-