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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/78

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LE MAL DES ARDENTS

terre, sur des coussins, et la main brûlante d’Angèle à son front.

Ses mots d’alors, avec ferveur, et les baisant au passage, il se les répétait, car il lui semblait que c’était les derniers qu’il voulût entendre, puisque les lèvres étaient closes qui les avaient animés.

— J’ai du délire et je le sens, Bernard, reviens à toi et je te parlerai… Nos beaux soirs sur les bords du Lot, nous les aurons encore, dis, toi sur le petit pont de bois qui tremble avec nous et les feuillages… comme je suis lasse !… Il me semble que mon cœur va s’éteindre, mon cœur si tien…

Elle avait un pauvre sourire.

— Souffle dessus, dit-elle encore, comme autrefois, que nous dormions et tes deux bras autour de moi… Je t’aime tant. Bernard, Bernard ! Bernard, n’ai-je pas du délire ? Il me semble que je divague. Dis-moi que tu m’aimes.

— Ah ! Angèle !

— Oui, tu m’aimes, c’était pour rire, hier, pas vrai ?

Subitement la mort parut devant ses yeux d’enfant. Elle fit un cri et lui prenant le bras :

— Mais, Bernard, il me semble que je vais mourir. Ce n’est pas possible, puisque tu m’aimes ! Mais c’est affreux…

Il sanglotait.

Elle eut cependant encore son divin sourire — mais si pâle.

— Pourvu que mon souvenir vive auprès de toi…