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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/116

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LE MAL DES ARDENTS

et il rêvait vaguement d’une libération définitive.

Par moments pourtant une révolte contre lui-même le secouait. Il se trouvait dégoûtant, bas et lâche ; et si coupable. Il fut sur le point de retourner au collège… Non, il n’irait pas, que dirait-on ? Il devait voir les siens, prendre ces quinze jours de réflexion et de repos. Le Père Régard avait bien prévu la crise, il comptait sur lui. Soudain, comme il entrait dans la rue des Rosiers, il songea combien il était indigne de la confiance du Jésuite. Il se jugea méprisable. Et sans plus réfléchir, les larmes aux yeux, il prit les jambes à son cou et courut tout d’une traite jusqu’à la rue des Francs Bourgeois. Il se confesserait, il ferait pénitence, demain il communierait et commencerait une retraite ; maintenant il sentait bien que Dieu l’appelait.  Il arriva au Collège, monta jusqu’à la chambre du Père : elle était vide. Il redescendit ; on lui apprit que le Père dînait chez le curé de la Madeleine. Il s’aperçut alors qu’il était déjà tard. Il résolut sur le champ de dîner à la maison puis d’aller aussitôt à la Madeleine. Mais qu’allait-on dire chez lui quand il dirait qu’il venait de se décider à entier dans les Ordres ?

Bien sûr, on ne demanderait pas mieux que de se débarrasser d’un enfant gênant et difficile. Il se reprocha ce jugement téméraire. Il rentra et trouva son monde attablé. Rodolphe était couché ; on l’entendait tousser dans la chambre : « Il ne va pas » dit Eugénie. Elle était toujours belle, même resplendissante. À un moment son sein se