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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/147

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

d’abandonner un mari toujours absent ; il aurait préféré maintenant une fille de la Côte.

— Vous dites vrai ? demanda-t-elle, ébranlée.

— Je vous le jure sur ce que j’ai de plus cher au monde répondit-il sans sourciller.

— Oh ! ce que vous avez de plus cher, observa-t-elle, vous le donneriez certainement pour bien peu…, enfin, tout cela est bien singulier, si c’est vrai. Est-ce que François est au courant ?

— Je ne crois pas.

— Ah ? Elle l’examina un instant de ses yeux violents et il l’aima tellement en cette minute qu’il se jura qu’elle serait sa femme dût-il commettre un crime. Rien d’autre que ce beau visage n’exista plus pour lui ; il haletait presque d’émotion. Il lui prit les mains ; une espèce de ton de confesseur, onctueux et pitoyable, lui vint tout naturellement :

— Comprenez-moi bien, ma petite Angèle ; il s’agit de votre bonheur à tous deux. François et vous, j’en suis convaincu, n’avez pas l’un pour l’autre d’amour véritable. Oubliez-vous et que chacun suive sa route.

— Mais, s’écria-t-elle révoltée, j’aime François, encore une fois.

— Vous ne l’aimez pas plus que vous ne m’aimez, dit-il avec force. Osez-vous prétendre le contraire ?

Elle se dressa, offensée de cette intrusion, outrée de cet orgueil.