Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LA JEUNESSE DE RABEVEL

de combinaison dans les chiffres et le verbe. Une méthode mnémotechnique dont il gardait le secret lui permettait de retenir tout ce qu’il voulait. Il portait sur lui une liste de dix mille dates historiques qu’il remettait à ses interlocuteurs en leur demandant de l’interroger ; il ne se trompait jamais dans ses réponses.

— Ce qu’il nous faudrait, disait-il au banquier au moment où ils pénétraient dans la salle à manger où il mouvait avec une prodigieuse agilité la masse de son ventre, ce serait une société de banque dont tout le haut personnel fût constitué par des professeurs ou des officiers. Ce serait alors la grande ère des affaires…

— Cela peut venir, dit Blinkine en se caressant la barbe. Supposez que le suffrage universel élise quelques universitaires éloquents ; que l’un d’eux devienne ministre ou rapporteur de la commission des finances ; immanquablement on lui proposera un conseil d’administration ; s’il est allant, il aura vite fait de peupler son affaire de camarades…

— Il nous restera à les persuader. C’est facile : oia képhalé kai enképhalé ouk ékei… Vous m’attendrissez ; nous ne verrons pas cette époque.

— Mais ces jeunes gens la verront peut être.

— Ah ! voilà donc la nouvelle recrue ! Eh ! mais, il a l’air intelligent ce garçon. Allons, mettons-nous à table, cher ami, j’ai une faim d’ogre.

Bernard, sur ses gardes, ne faisait pas un geste qu’il n’eût