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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/160

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LE MAL DES ARDENTS

il se fait appeler Marquis Mulot de Kardoulière, avec un sans-gêne étonnant. Il s’est montré fort parcimonieux avec sa femme qui, à son désespoir ne lui donna pas d’enfant. Aussi comptait-il punir la pauvre malheureuse qui n’en pouvait mais. Or voilà qu’un jour, il se décide pour des raisons financières à mettre tout son avoir au nom de celle-ci ; peu de temps après, lassé de ses charmes, il prend une des étoiles de la galanterie qui se fait appeler la Farnesina ; tu en as sûrement vu des portraits ; non ? une créature splendide. Sa femme, en réprésailles, lui coupe tout crédit ; elle lui donnait deux louis tous les matins ; il a été obligé de refaire sa fortune pour vivre à sa guise. Entre temps, injurié par un homme ivre, ce marquis, qui est un colosse, lui donne un coup de poing si malheureux qu’il le tue, et cet ivrogne était un agent de la sûreté : tu vois l’affaire… On l’acquitte ; six mois après il défenestre un amant de sa maîtresse car c’est un monstre de jalousie… Dommage que nous arrivions, j’ai une collection d’histoires inépuisable, sur cet individu… »

Ils entrèrent chez le banquier, Madame Blinkine, petite personne obèse, vive et silencieuse, les accueillit ; un instant après, son mari rentra avec Mr. Mulot. Celui-ci était un homme énorme, entièrement rasé, arborant un masque de César adipeux. Il avait fait de très fortes études et traduisait Euripide et Properce à livre ouvert ; par jeu, il provoquait les universitaires les plus réputés à improviser des vers grecs sur un sujet donné ; il avait une étonnante faculté