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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/184

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LE MAL DES ARDENTS

nuit ne fut qu’un long regret, un soupir sans fin, une douleur orageuse et un appel au dieu consolateur.

— L’agonie au Jardin des Olives, ce devait être quelque chose comme cela, se disait-il, mi-ironique, mi-convaincu, le matin, en contemplant dans la glace ses traits tirés et ses yeux cernés. Enfin, n’y pensons plus ; c’est fini, c’est fini.

Mais le regret et il ne savait quel espoir, quelle clandestine certitude que cet amour, le seul, il le sentait bien, chevillé à lui, à sa vie, ne pouvait disparaître définitivement, tout cela l’agitait et l’empêchait de faire quoi que ce fût. Il était absent de tout ; assis à son bureau, il rêvait du divin visage et écrivait le nom bien aimé sur les buvards. Il ne se ressaisit qu’au déjeuner. L’ennemi allait arriver ; il s’agissait de le bien recevoir.

Les propriétaires convoqués, une trentaine de personnes, se présentèrent en effet au début de l’après-midi ; Bernard les accueillit dans le réfectoire.

— Vous m’excuserez, leur dit-il, de vous faire entrer dans un réfectoire, mais je n’aurais pas de pièce assez grande ; cela nous permettra d’ailleurs de faire tranquillement notre collation tout à l’heure ; vous m’autoriserez en effet, je l’espère, à vous offrir un petit reconstituant car il y en a parmi vous qui viennent de fort loin et ont besoin de se réconforter ; d’ailleurs nous sommes des associés, pas vrai ? et même j’espère que nous serons des amis.

Un des auditeurs se leva aussitôt en qui Bernard reconnut le Bartuel du soir :