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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/210

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LE MAL DES ARDENTS

Ce fut à cette époque, c’est à dire en Décembre 1886, que mourut Rodolphe. Bernard rentra à Paris ; la maison lui parut morne, les deux vieux ne quittaient plus le coin du feu ; il suivit, les pieds dans la froide neige fondante, auprès de Noë, le triste cortège jusqu’au lointain cimetière. Au retour, il siffla un fiacre et y monta avec Noë et Eugénie. Il les regarda longuement : quelles belles figures honnêtes et pures ! il les envia presque, puis il pensa à l’avenir, aux parents qui ne survivraient guère à Rodolphe et, pris d’une idée subite, il mit la main de la jeune femme dans celle de Noë : « Il faut vous marier dès que cela sera possible, dit-il, il est inutile de gâcher l’existence de deux êtres pareils ». Noë le remercia d’un regard humide ; Eugénie laissa rouler sans force sur les épaules de Noë un visage baigné de pleurs. Bernard se sentait infiniment triste, ému et heureux.

Le soir, il alla voir Abraham, il le trouva au milieu d’un fatras de livres et de paperasses : « J’ai conçu le projet de faire une Encyclopédie comme on n’en a jamais faite avant moi, dit-il. Que disent-elles pour la plupart, les Encyclopédies ? Rien, auprès de ce qu’elles devraient dire ; je veux faire quelque chose d’immense et de définitif, tu comprends ?

— Et où en es-tu ?

— À la lettre A, naturellement.

— Naturellement me plaît. Alors tu te plonges dans les traités de géographie pour savoir ce qu’est l’Aar, dans la