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LE MAL DES ARDENTS

vient aussitôt à Paris, se présente comme un fou à la villa Riquet, voit Angèle : « J’ai compris, lui dit-il, que vous avez eu peur de la durée de l’attente, mais à présent je puis vous épouser, rien ne s’y oppose, mon père est d’accord. Si vous le voulez, nous serons mariés dans vingt jours ». Angèle a accepté. Quatre jours après le mariage, le bateau filait. La voilà veuve pour trois ans.

Bernard suffoqué ne pouvait que répéter : « Ah ! par exemple ! ah ! par exemple ! » Une pointe aiguë lui fouillait le cœur ; Angèle était à un autre. Un autre l’avait possédée ! Il partit brusquement, dans un état de colère et de désespoir sans bornes ; il eut la fièvre toute la nuit et ne s’apaisa qu’au matin.

Dès qu’il s’éveilla il se leva et se rendit chez Blinkine qui l’attendait avec Mulot. Les deux associés lui firent un accueil chaleureux et le félicitèrent d’avoir si bien remis l’affaire sur pied et enlevé des marchés importants.

— Il va falloir qu’on vous donne quelque chose sur les bénéfices, dit Blinkine. Que diriez-vous de cinq pour cent ?

— Rien du tout. Nous avons compte à faire, répondit Bernard. Mettons-nous bien accord une fois pour toutes.

Et, fort tranquillement, devant les deux hommes d’abord furieux puis atterrés de leur impuissance, il expliqua comment il avait organisé l’affaire à son profit. « Vous voyez, dit-il, en achevant, que je suis gentil : je vous abandonne la moitié du bénéfice sans que vous ayez rien fait. J’espère que vous êtes contents ? »