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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/215

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

le besoin d’être aimé, cajolé et plaint ; il pleura tout son saoûl, échafauda mille projets plus irréalisables l’un que l’autre, puis finit par se calmer peu à peu. Il put entamer sa lecture et dès que son attention fut accrochée, l’objet de son étude exista seul désormais pour lui. Quand il eut achevé, il écrivit une lettre aimable à Mr. Orsat lui faisant prévoir qu’il ne rentrerait pas de sitôt et contenant une phrase flatteuse et fort amicale pour Reine. Puis il dîna sans appétit, remonta à sa chambre et s’endormit d’un sommeil de plomb.

Ce fut Eugénie qui vint l’éveiller, porteuse d’un bol de chocolat. « Il est très tard, grand paresseux, lui dit-elle, avec ce sourire voilé qui était un de ses charmes. Mr. Blinkine t’attend en bas, il te croyait parti pour Bordeaux. »

— Bougre ! fit Bernard, il est bien pressé. Tiens, ajouta-t-il, pris d’une idée subite, on va s’amuser à lui faire grimper les cinq étages à ce banquier. Dis-lui que je ne me sens pas très bien et que, réflexion faite, il est probable que je ne donnerai pas suite à l’affaire que nous avons en vue.

Eugénie descendit et, dix minutes après, suant et soufflant, le banquier s’installait au chevet du jeune homme.

— Alors, quoi ? dit-il, réellement inquiet. Puis, voyant que Bernard restait muet :

— Ne croyez pas que je joue au plus fin, ajouta-t-il. C’est très simple, je viens de recevoir un télégramme qui m’effraie et qui est relatif à nos affaires Bordes. Comme je vous croyais décidé à aller à Bordeaux je voulais vous