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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/59

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Mais l’enfant, désespéré, secouait la tête ; mirages, tout cela, illusions ; il était véritablement au désespoir. Alors il raconta toutes les misères que lui faisaient Rodolphe, Jérôme, Catherine ; il sentait qu’il les dégoûtait ; le ressort brisé, cette tête solide s’inclinait et demandait grâce.

Mais le petit Blinkine ne l’abandonnait pas. Eh ! quoi, disait-il en riant, si tu avais par hasard tué ce misérable Goldschmidt, ce n’eût jamais été qu’un juif de moins. Quelle bénédiction ! La maman Catherine était bien mauvaise chrétienne qui ne comprenait pas cela. Quand il eut égayé son ami, il lui glissa tout doucement des conseils. Il ne fallait pas se laisser ainsi aller à son caractère comme il le faisait. Lui, Abraham, s’il était un grand patron, hésiterait toujours à employer quelqu’un d’aussi colérique ; certaines misères devaient être souffertes patiemment. Et, enfin, il fallait bien dire les choses comme elles étaient : son orgueil l’avait conduit au vol et au meurtre ; lui, un si chic camarade et un si brave garçon. Bernard s’attendrissait. Mais il expliqua qu’il ne trouvait pas autour de lui quelqu’un pour l’aimer et le cajoler sauf, peut-être, sa tante Eugénie et Noë ; et seulement depuis qu’il était malade. Le petit juif déclara tout net qu’il comprenait cela et rappela à son ami étonné quelques circonstances où Bernard l’avait profondément humilié sans qu’il en eût voulu rien faire paraître. Cette résignation attentive et expectante frappa le malade dans la faiblesse parente qu’il sentait en soi. Mais il eut encore un sursaut :