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Page:Lucile de Chateaubriand, ses contes, ses poèmes, ses lettres.djvu/123

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par un peuplier, dont le long style s’élevait dans le ciel comme un pinceau. Ma dévote mère, toute charmée, disait que sa fille lui représentait une chrétienne de la primitive Église, priant à ces stations appelées Laures.

De la concentration de l’âme naissaient chez ma sœur des effets d’esprit extraordinaires : endormie, elle avait des songes prophétiques ; éveillée, elle semblait lire dans l’avenir. Sur un palier de l’escalier de la grande tour, battait une pendule qui sonnait le temps en silence ; Lucile, dans ses insomnies, s’allait asseoir sur une marche, en face de cette pendule ; elle regardait le cadran à la lueur de sa lampe posée à terre. Lorsque les deux aiguilles, unies à minuit, enfantaient dans leur conjonction formidable l’heure des désordres et des crimes, Lucile entendait des bruits qui lui révélaient des trépas lointains.

Se trouvant à Paris quelques jours avant le 10 août, et demeurant avec mes autres sœurs dans le voisinage du couvent des Carmes, elle