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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/188

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sorte. Au lieu du beau pont qu’on y voit à présent, il n’y avait pour passer l’eau qu’une passerelle étroite, consistant en une simple planche posée sur deux pierres. Point de belles maisons, comme aujourd’hui, mais, pour toute habitation, une pauvre petite chaumière au bord de l’eau, et dont le toit de genêt touchait presque le sol.

Dans cette chaumière habitait un pauvre savetier, avec sa femme. Son nom était Kaour Kerspern. C’était un petit homme d’humeur joyeuse, qui, tout le long des jours, chantait de vieux guerziou et des sôniou nouveaux, tout en battant ses semelles et en tirant son ligneul. C’était plaisir de l’entendre, et les lavandières, au bord du Jarlot, laissaient parfois leurs battoirs au repos et prêtaient l’oreille à ses chansons. Kaour était bon chrétien ; il assistait tous les dimanches à la grand’messe et aux vêpres, dans l’église de Saint-Mathieu, et si, le soir, il rentrait un peu gris, il n’y avait pas lieu de lui en faire un grand crime : il avait si bien travaillé toute la semaine, et le cidre était si bon et à si bon marché chez Marguerite Keravel, où se réunissait, tous les dimanches soir, une bande de joyeux compagnons !

La femme de Kaour était lavandière et passait toutes ses journées au lavoir du Pouliet, et son fils, qui courait sur ses douze ans, était petit pâtre au manoir voisin de Lanidy. Kaour était presque