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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/189

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toujours seul à la maison, durant le jour. Depuis quelque temps cependant — depuis qu’il commençait de négliger l’église et de fréquenter davantage le cabaret de Marguerite Keravel — il lui était venu un singulier compagnon. C’était Teuz ar Pouliet, bien connu dans le quartier, qui venait lui tenir société, dans sa chaumière, pendant que sa femme était au lavoir. Bien souvent, il avait entendu parler du Teuz et de ses malins tours, dans le Val- Pinart et au gué du Pouliet ; mais comme il se targuait d’être dépouillé des sottes superstitions qui avaient généralement cours autour de lui, il haussait les épaules à ces récits et les traitait de contes de vieilles femmes. Quand le Teuz arrivait, il s’asseyait sur un galet rond, au coin du foyer, et regardait fixement le savetier, qui battait son cuir et poissait son ligneul, tout en chantant. Il avait la forme d’un barbet noir, au poil long et frisé. D’abord Kaour crut que c’était en effet un chien égaré, sans maître peut-être, et il lui donnait quelque nourriture, et lui savait gré de venir lui tenir société dans sa solitude. Pourtant, l’animal le regardait si fixement, et son regard semblait si bien pénétrer jusqu’au fond de sa conscience, qu’il en vint à le soupçonner de n’être pas un chien ordinaire, mais bien Teuz ar Pouliet, dont il avait si souvent entendu parler, et peut-être le diable lui-même, car, comme on le sait, le diable