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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/137

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chait sa blessure, mais elle l’en admirait davantage ; et si le fameux coup double n’avait pas, à ses yeux, autant de mérite qu’à ceux de Brandolaccio et de Colomba, elle trouvait cependant que peu de héros de roman auraient montré autant d’intrépidité, autant de sang-froid dans un aussi grand péril.

La chambre qu’elle occupait était celle de Colomba. Au-dessus d’une espèce de prie-Dieu en chêne, à côté d’une palme bénite, était suspendu à la muraille un portrait en miniature d’Orso en uniforme de sous-lieutenant. Miss Nevil détacha ce portrait, le considéra longtemps et le posa enfin auprès de son lit, au lieu de le remettre à sa place. Elle ne s’endormit qu’à la pointe du jour, et le soleil était déjà fort élevé au-dessus de l’horizon lorsqu’elle s’éveilla. Devant son lit elle aperçut Colomba, qui attendait immobile le moment où elle ouvrirait les yeux.

— Eh bien ! mademoiselle, n’êtes-vous pas bien mal dans notre pauvre maison ? lui dit Colomba. Je crains que vous n’ayez guère dormi.

— Avez-vous de ses nouvelles, ma chère amie ? dit miss Nevil en se levant sur son séant.

Elle aperçut le portrait d’Orso, et se hâta de jeter un mouchoir pour le cacher.

— Oui, j’ai de ses nouvelles, dit Colomba en souriant. Et, prenant le portrait :

— Le trouvez-vous ressemblant ? Il est mieux que cela.

— Mon Dieu !… dit miss Nevil toute honteuse, j’ai détaché… par distraction… ce portrait… J’ai le défaut de toucher à tout… et de ne ranger rien… Comment est votre frère ?

— Assez bien. Giocanto est venu ici ce matin avant quatre heures. Il m’apportait une lettre pour vous, miss Lydia ; Orso ne m’a pas écrit, à moi. Il y a bien sur l’adresse : À Colomba ; mais plus bas : Pour miss N… Les sœurs ne sont point jalouses. Giocanto dit qu’il a bien