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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/144

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un coup de fusil. » Elle se mit alors à siffler entre ses doigts ; bientôt après on entendit un chien aboyer, et la sentinelle avancée des bandits ne tarda pas à paraître. C’était notre vieille connaissance, le chien Brusco, qui reconnut aussitôt Colomba, et se chargea de lui servir de guide. Après maints détours dans les sentiers étroits du mâquis, deux hommes armés jusqu’aux dents se présentèrent à leur rencontre.

— Est-ce vous, Brandolaccio ? demanda Colomba. Où est mon frère ?

— Là-bas ! répondit le bandit. Mais avancez doucement : il dort, et c’est la première fois que cela lui arrive depuis son accident. Vive Dieu ! on voit bien que par où passe le diable une femme passe bien aussi.

Les deux femmes s’approchèrent avec précaution, et auprès d’un feu dont on avait prudemment masqué l’éclat en construisant autour un petit mur en pierres sèches, elles aperçurent Orso couché sur un tas de fougère et couvert d’un pilone. Il était fort pâle, et l’on entendait sa respiration oppressée. Colomba s’assit auprès de lui, et le contempla en silence les mains jointes, comme si elle priait mentalement. Miss Lydia, se couvrant le visage de son mouchoir, se serra contre elle ; mais de temps en temps elle levait la tête pour voir le blessé par-dessus l’épaule de Colomba. Un quart d’heure se passa sans que personne ouvrit la bouche. Sur un signe du théologien, Brandolaccio s’était enfoncé avec lui dans le mâquis, au grand contentement de miss Lydia, qui, pour la première fois, trouvait que les grandes barbes et l’équipement des bandits avaient trop de couleur locale.

Enfin Orso fit un mouvement. Aussitôt Colomba se pencha sur lui et l’embrassa à plusieurs reprises, l’accablant de questions sur sa blessure, ses souffrances, ses besoins. Après avoir répondu qu’il était aussi bien que possible, Orso lui demanda à son tour si miss Nevil était encore à