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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/145

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Pietranera, et si elle lui avait écrit. Colomba, courbée sur son frère, lui cachait complètement sa compagne, que l’obscurité, d’ailleurs, lui aurait difficilement permis de reconnaître. Elle tenait une main de miss Nevil, et de l’autre elle soulevait légèrement la tête du blessé.

— Non, mon frère, elle ne m’a pas donné de lettre pour vous… mais vous pensez toujours à miss Nevil, vous l’aimez donc bien ?

— Si je l’aime, Colomba !… Mais elle… elle me méprise peut-être à présent !

En ce moment, miss Nevil fit un effort pour retirer sa main ; mais il n’était pas facile de faire lâcher prise à Colomba ; et, quoique petite et bien formée, sa main possédait une force dont on a vu quelques preuves.

— Vous mépriser ! s’écria Colomba, après ce que vous avez fait… Au contraire, elle dit du bien de vous… Ah ! Orso, j’aurais bien des choses d’elle à vous conter.

La main voulait toujours s’échapper, mais Colomba l’attirait toujours plus près d’Orso.

— Mais enfin, dit le blessé, pourquoi ne pas me répondre ?… Une seule ligne, et j’aurais été content.

À force de tirer la main de miss Nevil, Colomba finit par la mettre dans celle de son frère. Alors, s’écartant tout à coup en éclatant de rire : — Orso, s’écria-t-elle, prenez garde de dire du mal de miss Lydia, car elle entend très-bien le corse.

Miss Lydia retira aussitôt sa main et balbutia quelques mots inintelligibles. Orso croyait rêver.

— Vous ici, miss Nevil ! Mon Dieu ! comment avez-vous osé ? Ah ! que vous me rendez heureux ! — Et, se soulevant avec peine, il essaya de se rapprocher d’elle.

— J’ai accompagné votre sœur, dit miss Lydia… pour qu’on ne pût soupçonner où elle allait… et puis, je voulais aussi… m’assurer… Hélas ! que vous êtes mal ici !