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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/146

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Colomba s’était assise derrière Orso. Elle le souleva avec précaution et de manière à lui soutenir la tête sur ses genoux. Elle lui passa les bras autour du cou, et fit signe à miss Lydia de s’approcher. — Plus près ! plus près ! disait-elle : il ne faut pas qu’un malade élève trop la voix. — Et comme miss Lydia hésitait, elle lui prit la main et la força de s’asseoir tellement près, que sa robe touchait Orso, et que sa main, qu’elle tenait toujours, reposait sur l’épaule du blessé.

— Il est très-bien comme cela, dit Colomba d’un air gai. N’est-ce pas, Orso, qu’on est bien dans le mâquis, au bivouac, par une belle nuit comme celle-ci ?

— Oh oui ! la belle nuit ! dit Orso. Je ne l’oublierai jamais !

— Que vous devez souffrir ! dit miss Nevil.

— Je ne souffre plus, dit Orso, et je voudrais mourir ici. — Et sa main droite se rapprochait de celle de miss Lydia, que Colomba tenait toujours emprisonnée.

— Il faut absolument qu’on vous transporte quelque part où l’on pourra vous donner des soins, monsieur della Rebbia, dit miss Nevil. Je ne pourrai plus dormir, maintenant que je vous ai vu si mal couché… en plein air…

— Si je n’eusse craint de vous rencontrer, miss Nevil, j’aurais essayé de retourner à Pietranera, et je me serais constitué prisonnier.

— Eh ! pourquoi craigniez-vous de la rencontrer, Orso ? demanda Colomba.

— Je vous avais désobéi, miss Nevil… et je n’aurais pas osé vous voir en ce moment.

— Savez-vous, miss Lydia, que vous faites faire à mon frère tout ce que vous voulez ? dit Colomba en riant. Je vous empêcherai de le voir.

— J’espère, dit miss Nevil, que cette malheureuse affaire va s’éclaircir, et que bientôt vous n’aurez plus rien