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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/283

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— Le drôle s’est défendu comme un lion, poursuivit l’adjudant un peu mortifié ; il m’a tué un de mes voltigeurs, et, non content de cela, il a cassé le bras au caporal Chardon ; mais il n’y a pas grand mal, ce n’était qu’un Français… Ensuite, il s’était si bien caché, que le diable ne l’aurait pu découvrir. Sans mon petit cousin Fortunato, je ne l’aurais jamais pu trouver

— Fortunato ! s’écria Mateo.

— Fortunato ! répéta Giuseppa.

— Oui, le Gianetto s’était caché sous ce tas de foin là-bas ; mais mon petit cousin m’a montré la malice. Aussi je le dirai à son oncle le caporale, afin qu’il lui envoie un beau cadeau pour sa peine. Et son nom et le tien seront dans le rapport que j’enverrai à M. l’avocat général.

— Malédiction ! dit tout bas Mateo.

Ils avaient rejoint le détachement. Gianetto était déjà couché sur la litière et prêt à partir. Quand il vit Mateo en la compagnie de Gamba, il sourit d’un sourire étrange ; puis, se tournant vers la porte de la maison, il cracha sur le seuil en disant : « Maison d’un traître ! »

Il n’y avait qu’un homme décidé à mourir qui eût osé prononcer le mot de traître en l’appliquant à Falcone. Un bon coup de stylet, qui n’aurait pas eu besoin d’être répété, aurait immédiatement payé l’insulte. Cependant Mateo ne fit pas d’autre geste que celui de porter sa main à son front comme un homme accablé.

Fortunato était entré dans la maison en voyant arriver son père. Il reparut bientôt avec une jatte de lait, qu’il présenta les yeux baissés à Gianetto. — « Loin de moi ! » lui cria le proscrit d’une voix foudroyante. Puis, se tournant vers un des voltigeurs : « Camarade, donne-moi à boire », dit-il. Le soldat remit sa gourde entre ses mains, et le bandit but l’eau que lui donnait un homme avec lequel il venait d’échanger des coups de fusil. Ensuite il