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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/392

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se sont couverts de gloire ; les hussards ennemis sont anéantis, mais vos braves lanciers ont beaucoup souffert ; la perte des chasseurs du 10e est légère ; » de sorte que les croix sont tombées sur les lanciers, et pour nous les coups, la boue, les mauvais quartiers, tout le tonnerre !…

La comtesse, lui versant à boire. Je vous le disais bien, c’est le plus injuste des hommes. Vous refuser la croix ! Édouard, vous sortez d’un sang trop noble pour ne pas ressentir profondément cette injure.

Édouard. Ce n’est pas le tout de la ressentir.

La comtesse. Sans doute, il faut s’en venger.

Édouard. Oui ! l’empereur sera bien attrapé quand je lui aurai flanqué ma démission. Et puis donner sa démission en temps de guerre ! Cela ne se peut pas. Notre régiment va partir pour l’Espagne.

La comtesse. Pour l’Espagne ! Vous allez prendre part à cette guerre affreuse, criminelle ? Avez-vous donc si tôt oublié la trahison de Bayonne ?

Édouard. Bah ! bah ! ces canailles d’Espagnols seront trop heureux que nous voulions bien les débarrasser de leurs moines.

La comtesse. Ah ! que vous m’affligez, Édouard, et qu’il est triste de vous voir avec ces principes politiques !

Édouard. Moi ? Diable emporte si je me mêle de politique !

La comtesse. Moi qui ne suis guère plus âgée que vous, j’ai conservé des souvenirs qui déjà ne parlent plus à votre cœur.

Édouard. Comment, ma cousine !… il serait possible ?… Oh ! moi aussi, je n’ai pas oublié un certain temps… Quand vous vous êtes mariée, si vous saviez tout ce que j’ai souffert !

La comtesse. Édouard, vous ne me comprenez pas. Je parle du temps où votre père et le mien étaient comptés