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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/393

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parmi les plus fermes soutiens du trône légitime… de ce temps où l’on donnait volontiers sa vie pour défendre son roi… Ah ! si le vertueux marquis de Nangis savait que son fils brigue l’honneur de servir un tyran, un usurpateur plébéien, il sortirait de son tombeau et vous reprocherait de démentir votre illustre origine.

Édouard. Cousine… vraiment vous me parlez là de choses… dont jamais je n’avais entendu dire le plus petit mot… Je croyais que votre mari voulait être préfet, chambellan, je ne sais quoi… Nous autres militaires, voyez-vous, nous obéissons à l’empereur… parce que c’est l’empereur… Nous ne sommes pas forcés de savoir s’il est usurpateur ou non…

La comtesse. C’est-à-dire que vous renoncez à votre cœur d’homme pour vous faire esclaves. Vous ne voulez voir que par ses yeux, entendre que par ses oreilles.

Édouard. Au fait, c’est un usurpateur… mais il est reconnu par tout le monde.

La comtesse. Excepté par tous les cœurs généreux, qui ne reconnaîtront jamais d’autres souverains que nos princes exilés.

Édouard. Les enfants de Louis XVI ! je croyais qu’ils étaient morts dans la révolution.

La comtesse. Hélas ! les barbares, ils ont fait mourir son fils dans un cachot ; mais ses frères sont en exil, et un Nangis a pu les oublier !

Édouard. Ma foi, c’est que… Je n’ai rien lu, moi.

La comtesse. Je l’avoue, j’avais fondé sur vous de grandes espérances. Je me flattais que la fausse gloire de l’usurpateur n’aurait pu vous séduire ; j’espérais vous trouver fidèle au parti du malheur.

Édouard. Mais, ma cousine… c’est bien ma manière de voir… mais seulement je ne sais pas trop comment on pourrait s’y prendre…

La comtesse. Édouard, Édouard, votre discrétion,